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PLANCHES

Planches botaniques

et autres
herbes folles

PL. I


fleurs et feuilles
recouvrent le sol
où affleure le charbon
un serpent sous la pierre
calme attend son heure
lorsque le vol des effraies
des clochers s’affole
un filet d’eau
berceau d’un grand fleuve
se glisse entre les roseaux


un main paume ouverte
vers le ciel
calme attend son heure
qu’il pleuve
 

PL. II

j’ai fermé les yeux
pour calmer le soleil
un instant
j’ai pensé animal
puis je me suis repris
quelle trahison faut-il espérer
pour devenir un être suffisant
et pour suffisamment être

PL. III

 

et si quelques fois
je fus ivre
je dois à la tranche des livres
et pourtant je suis inculte
n’ayant jamais retenu
un seul mot imprimé
seules les paroles
portées par le vent
me sont restées en mémoire

PL. IV


la pluie fut l’événement
puis la neige, puis la glace
pourtant le ciel de nuit
semblait immuable
là-haut à portée de bras
le bruissement des feuilles
les pulsations des étoiles
accompagnaient notre sommeil
c’est au fond de tes yeux
que j’ai vu leur première lumière

PL. V

 

nous étions adroits
dans l’art du camouflage
peau d’argile sèche sur nos corps nus
silencieux et patients
nous étions cousins du tigre
nous avons dévoré
gloutons insatiables
éradiquant jusqu’aux pierres
puis nous nous sommes mangés nous même
la digestion fut longue
et elle dure encore
 

PL. VI

 

j’ai appartenu à un peuple
couvert de masques et de peaux de bêtes
passé maître dans l’art de la danse
chaque jour il déclinait sa ronde
à toute altitude au-dessus du niveau de la mer
les arbres lièges absorbaient
le bruit des sonnailles
l’île vaisseau tranquille
tirait sur son ancre
et je fis mon deuil d’un voyage lointain

PL. VII

 

un rêve nous emporta
au delà des frontières
froid et silencieux
comme un plat d’argent
nous étions tous endormis
dans un sommeil paradoxale
où palpitent les paupières
l’un d’entre nous
éclaireur éveillé au masque d’or
accompli le rêve
c’est un refrain obsédant
une ritournelle
qui accompagne le voyage
une poule sur un mur
dont la silhouette sombre
se découpe dans la lumière de la pleine lune

PL. VI

 

j’ai porté un numéro
suite de nombres premiers
qui me fit enfant de l’algèbre
au-delà de dix les doigts me manquent
nous devons alors tendre vers l’infini
quand nous étions indiscernables
nous avons replié les règles
et la mesure ne dépassa jamais plus
le nombre 1
01-01-01-01-01-01-01-01-01-01-01
battement d’un métronome invisible
où l’électron oscille d’une pièce à l’autre
champion de l’ubiquité.
 

PL. IX

 

nous avons appris à comprendre le monde
perchés sur une échelle
pour observer le sol et le ciel
nous avons regardé à l’intérieur des corps
enfonçant une sonde à travers la gorge
et l’on a vu
des pics et des failles
pareils à ceux des continents
le vertige des ces gouffres de protéines
évoque celui des abysses
des mers nippones
 

PL. X

 

nous nous sommes mis en route
les uns derrière les autres
nos pas ont tracé au sol
des pistes cheyennes
chacun gardait pour lui
les raisons de son voyage
on portait sur le dos
quelques vivres entremêlés à notre histoire
mon compagnon marchant devant moi
marmonnait quelques mots inconnus
nous savions qu’un jour les tribus
se rejoindraient au bord des fleuves

PL. XI

 

on a vu ce qui rampe ce qui marche
ce qui nage et qui vole


j’ai un faible pour ce qui rampe
l’humilité des insectes
la fragilité de leurs ailes
ont racheté notre orgueil


on ne peut les toucher sans les détruire
il faut les transpercer d’une épingle d’acier
pour un inventaire crépusculaire
des colonies savantes


on se veut entomologiste
spécialiste comportemental
observateur zélé
des molécules formiques.

PL. XII

 

l’histoire nous apprend qui nous sommes
elle nous apprend surtout
qui nous ne sommes pas


qu’avons-nous de commun avec les hordes féroces
les seigneurs poudrés
et les assassins d’enfants
quel lien de parenté pourrait nous relier
aux bourreaux masqués de cuir
aux soldats porteurs de vermines
aux sentinelles endormies sur le guet


le même sang coule a-t-il coulé dans les veines
des barbares endormis dans les forêts
des scalpeurs des indiens des plaines
des légions crucifiant les esclaves


le monde se partage en deux clans
le clan de celui qui tue
le clan de celui qui hurle


un long cri nous rassemble
victimes écorchés aux sandales déposées
sur le bord du volcan.
 

Inconsolables

 

nous serons inconsolables
devant les miettes
restées sur la table
au souvenir du souffle du vent
dans nos cheveux
et les chaleurs solaires
des étés de feu

nous serons inconsolable
du bruit des ruisseaux
qui façonne les pierres
de l’ombre des feuilles
sur un coin nu de ton épaule
nous serons inconsolables
des lumière des aurores
boréales ou australes qu’importe
de l’écume blanche sous la plante des pieds

nous serons inconsolables
des silhouettes furtives des loups derrière les fougères
de la vibration de l’air
sous les ailes des frêles oiseaux
que nous sommes

 

​

Haubans

​

de la fenêtre ouverte
en tendant la main
on pourrait presque toucher
les haubans des mâts
le silence de la chambre
s’échappait doucement pour se dissoudre
dans le  bourdonnement de la rue du port

les murs semblaient se rapprocher
nous poussant l’un vers l’autre
tu sommeillais nue
allongée sur le lit
dont les draps froissés sur le sol
faisaient un amas de voiles

 

 

Empédocle

 

l’histoire nous apprend qui nous sommes
elle nous apprend surtout
qui nous ne sommes pas
qu’avons-nous de commun avec les hordes féroces
les seigneurs poudrés
et les assassins d’enfants
quel lien de parenté pourrait nous relier
aux bourreaux masqués de cuir
aux soldats porteurs de vermines
aux sentinelles endormies sur le guet
le même sang coule a-t-il coulé dans les veines
des barbares endormis dans les forêts
des scalpeurs des indiens des plaines
des légions crucifiant les esclaves

le monde se partage en deux clans
le clan de celui qui tue
le clan de celui qui hurle
un long cri nous rassemble
victimes écorchés aux sandales déposées
sur le bord du volcan.

 

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